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jeudi 21 septembre 2017

Au Cambodge, l'inquiétante dérive d'une ONG au nom de la modernité


Au Cambodge, la communauté des Chams de l’Imam San pratique un islam très singulier. La mosquée n’est ouverte que le vendredi pour l’unique prière hebdomadaire et seuls les hommes qui ont été initiés peuvent y prier. Les autres doivent rester à l’extérieur. Ce qui n'est pas sans causer des tensions avec les tenants d'une religion musulmane plus classique voire d'autres cultes. Mais cette communauté, répartie en une trentaine de villages, qui a résisté aux pressions des mosquées est aujourd’hui convoitée par de nouveaux acteurs qui n’ont rien de musulman.

Ces nouveaux groupes sont d’autant plus sournois qu’ils revendiquent la culture de l’Imam San sur leur site, mettent en valeur le village pour mieux en profiter. Yousos, jeune Cham du village aujourd’hui fonctionnaire, se désole: «Notre communauté vit une crise. Nous ne sommes pas préparés à affronter ce type de menace. Certains de nos villageois collaborent avec ces ONG et font du mal à la communauté sans même le savoir.»

L’action effectivement qui remporte le plus de succès a été initiée par un Américain, Dustin Javorsky, perçu comme le bienfaiteur suprême par certains. Son concept: le désormais bien connu volontourisme –un mot valise associant volontariat et tourisme. Son ONG fait venir des jeunes du monde entier pour donner des cours d’anglais aux enfants du village. Une formule de vacances où l’on paye pour travailler et se donner bonne conscience. Le volontourisme est une manière d’occuper des jeunes Occidentaux qui veulent se sentir utiles sans pour autant faire l’effort de s’adapter au pays.
Comme dans toutes les ONG de ce type qui fleurissent au Cambodge, aucune formation n’est demandée pour travailler avec des enfants. N’importe qui peut venir quelques jours s’improviser prof d’anglais. Chloé Sanguinetti, réalisatrice du documentaire The Voluntourist et spécialiste des ONG au Cambodge, porte un regard critique sur le site de Dustin Javorsky:
«On remarque tout de suite que son “ONG” ne présente pas de charte de protection de l’enfance alors que les activités principales des volontaires se font en contact direct avec des enfants. C’est la porte ouverte à énormément de dérives auprès d’adultes qui ne sont pas formés en tant qu’éducateurs et qui n’ont pas à fournir d’extrait de casier judiciaire pour devenir volontaires.»
Ce type d’organisation joue sur le sentiment de culpabilité, que Chloé Sanguinetti détecte tout de suite sur le site de Dustin Javorsky:
«Sa page d’accueil utilise un discours misérabiliste écœurant pour décrire le Cambodge et les raisons pour lesquelles les volontaires doivent venir aider: “poverty governs every aspect of life”, “the needs are so basic”. Cela donne l’image d’une communauté qui ne peut pas s’aider elle-même et renforce le complexe du sauveur blanc chez les volontaires. Sur une autre page du site il a carrément écrit: “Change the world, lose your heart”, accompagné d’un décompte de toutes les vies que les volontaires ont changées. Comment peut-on penser changer le monde en venant donner des cours d’anglais sans expérience, sur une durée très courte dans un pays dont on ne connait ni la langue ni la culture? C’est une vision de mon point de vue très dangereuse.»
Aucune mise en garde ne leur est délivrée à leur arrivée, ni sur la pédagogie ni sur les us et coutumes des enfants avec lesquels ils vont travailler. Leurs tenues de vacanciers, mini shorts et débardeurs: «Ces étrangers ne respectent pas notre culture. C’est honteux», répètent à l’envi tous les villageois que j’ai pu rencontrer.

Éthique et transparence


Ce comportement jugé indécent dans cette société traditionnelle accule les habitants du village aux critiques des «5 fois par jour» qui traversent quotidiennement le village et trouvent là un moyen facile de les disqualifier en pointant ces femmes occidentales dénudées. Michel Antelme, responsable de la section de khmer de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) à Paris, que nous avons informé des faits, regrette: «On fait face à un néocolonialisme culturel certainement irréfléchi, car cela part d'un bon sentiment de la part des volontaires.»
Pour Hisham Mousar, avocat et professeur de droit au Cambodge, lui-même d’origine chame, les dérives sont naturelles dès lors que l’activité n’est pas réglementée: «Il conviendrait que les autorités imposent le respect d’un certain nombre de principes destinées à protéger l’intérêt des populations à qui s’adressent les actions de ces ONG, afin d’éviter la prolifération des ONG business.»

Chloé Sanguinetti ajoute:
«Énormément de structures au Cambodge fonctionnent comme cela, se disent ONG/non-profit pour attirer des volontaires internationaux (et donc des fonds) mais ne sont pas enregistrées et agissent comme elles l’entendent sans être soumises à aucune règle éthique ou de transparence.»

L’Imam San à l’ère du jetable

Dustin Javorsky distille un mode de vie occidental dans un village rural sans prendre la moindre précaution. Interrogé sur le sujet via Facebook, il répond avec une extrême agressivité. Il ne veut pas entendre de critique contre lui et affirme que «la modernité est en train d’arriver dans le village», avec l’idée de «libérer» les mœurs de ces musulmans cambodgiens. Et pour justifier son action bienfaitrice, il s’autocongratule en attaquant ses détracteurs:
«Je donne des vêtements, de la nourriture à des enfants dans le besoin. C’est selon moi irréprochable. Les universitaires occidentaux qui défendent leur identité culturelle ne sont même pas capables de leur donner à manger.»
Présenter ces enfants comme souffrant de la faim est absurde. Ces villages sont loin de la misère, d’autant qu’il y existe un fort système d’entraide. Dustin Javorsky invente ce motif pour mieux dominer le village et l’acculturer. Et pour illustrer ses propos, il envoie des photos d’enfants en train de manger, dont celle d’une fillette devant une glace et une pizza dans un fast-food de Phnom Penh.
C’est ainsi que Dustin Javorsky impose la société de consommation aux Chams de l’Imam San. Les enfants sont gâtés par des jouets en plastique, de la musique sur laquelle ils peuvent danser, une industrie du loisir inconnue de ce village de paysans simples. Il pense leur apporter de la joie à coup de gadgets made in China, de chips, bonbons et autres friandises dont les emballages remplissent les poubelles que son ONG dispose dans le village de Chan Kiek pour «préserver la campagne». Il créé ainsi une société du tout jetable non recyclable.
L’une des bénévoles revient d’une fête que Dustin Javorsky a donnée chez lui pour les enfants du village dans un contraste tel avec leur vie quotidienne qu’ils ne peuvent qu’adorer Dustin Javorsky. Elle en parle la larme à l’œil et la main sur le cœur: «Oh, les enfants ne voulaient plus partir, ils ne voulaient plus rentrer chez eux. Ils criaient pour rester à la fête.» Chloé Sanguinetti commente:
«Cette façon très dérangeante de parler des enfants se retrouve chez beaucoup de volontaires. Ils “décontextualisent” totalement l’enfant. Ils ne réfléchissent pas au fait que les enfants ont des familles, des histoires, des parcours. Ils ne réfléchissent pas de manière critique à leur impact.»

Ego trip

L’afflux de volontaires pour donner des cours d’anglais sans respecter un minimum d’étiquette perturbe l’équilibre du village. Car même s’ils semblent enthousiastes et de bonne foi, leurs actes n’en sont pas moins dévastateurs sur le long terme. Leur égocentrisme pose aussi problème. Ils se considèrent comme des bienfaiteurs et attendent d’être remerciés. Ils tirent une satisfaction narcissique des retours qu’ils reçoivent. Comme cette Française qui a passé une semaine en août à Chan Kiek. Contactée via Facebook, elle résume ainsi son expérience chez les Chams:
«J'ai adoré les Chams, ils sont gentils, ouverts, reconnaissants, leur religion n'est pas trop marquée et chacun est libre. J'ai vraiment trouvé ça chouette!»
Petit décryptage: elle a aimé les Chams parce qu'ils sont reconnaissants et gentils.
Il ne s’agit pas d’aider gratuitement sans rien attendre en retour, mais de recevoir la reconnaissance d’une population perçue comme nécessiteuse. Pour Chloé Sanguinetti, «un sourire d’enfant leur donne la satisfaction d’avoir eu un impact positif sur la communauté locale». Son commentaire sur la religion «pas trop marquée» exprime bien une volonté de ne faire aucun effort pour s’adapter à la culture de l’autre.
Notre bénévole française avoue n’avoir jamais été formée, avoir improvisé sur le tas sans personne pour la guider, si ce n’est les autres volontaires arrivés avant elle: «Ce n’était pas harassant, on ne travaillait pas beaucoup.» Ces volontaires ne préparent rien et se montrent très désinvoltes. Michel Antelme se demande quelle influence positive peuvent apporter ces profs d’anglais de quelques jours s’ils n’ont pas connaissance des méthodes pédagogiques pour les enfants.

Dérive sectaire

Cet exemple, qui peut paraître anecdotique, illustre le problème de l’ingérence au Cambodge, à la fois économique, religieuse et culturelle. «Quel est l’objectif de l’action de l’ONG de Dustin Javorsky?, s’interroge Hisham Mousar. Les actions de ces instructeurs étrangers devraient être lisibles pour la société cambodgienne, être obligatoirement posés et notifiés par écrit à destination des autorités en charge d’en protéger les intérêts. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui au Cambodge.»
Ce village est effectivement symptomatique de tout le pays, véritable laboratoire pour ONG en quête de cause humanitaire à défendre pour mieux s’enrichir. Le volontourisme en est sans doute aujourd’hui la forme la plus perverse, très proche de la secte par l’autopersuasion de ses membres. Les volontaires sont convaincus des bienfaits qu’ils apportent, même si la dimension de leur action est très largement néocoloniale, paternaliste et forçant à l’assistanat.
Pour Chloé Sanguinetti, «ces individus qui utilisent des discours misérabilistes et paternalistes pour générer du profit sont pour moi les plus coupables et surtout les moins approchables quand il s’agit de les critiquer, exactement comme ce Dustin Javorsky». La mainmise qu'il tente d’imposer sur le village est proche de celle d'un gourou. Cet homme veut tout régenter en mégalomane autoritaire et devient odieux devant toute question dérangeante.
Pour nuancer, Hisham Mousar qui connaît bien les Chams du fait de ses origines, rappelle toutefois que «la nature ayant horreur du vide, ces étrangers remplissent simplement un vide dont les intéressés sont eux-mêmes responsables». Pour lui, «ce dont les Chams ont avant tout besoin, c’est d’entrer dans la modernité en y étant préparé par une éducation solide et avancée.» Et éviter ainsi de finir sous la coupe d'individus aux ambitions néfastes.
Agnès De Féo — 

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