Le président de la République populaire de Chine devrait être confirmé au pouvoir pour cinq nouvelles années à l'occasion du Congrès du PCC. Avec lui, le pays a changé d'ère.
Lors du XVIIIe Congrès du Parti communiste chinois (PCC), en 2013, ses concitoyens le considéraient encore et avant tout comme le mari de Peng Liyuan, célèbre chanteuse de variété.
Cinq ans plus tard, alors que s'ouvre ce mercredi le XIXe Congrès, Xi
Jinping est dorénavant considéré comme le plus puissant dirigeant
chinois depuis le discret Deng Xiaoping, à la tête du pays de 1978 à 1992.
DÉCRYPTAGE >> Chine: quand le parti dévore les siens
Les
dirigeants chinois avaient estimé que sa nomination comme numéro un du
pays était un choix de compromis. Il s'est révélé un leader sans
compromission. Au point que les années de pouvoir de Xi font dorénavant
figure de changement d'ère.
Plus de pouvoir que ses prédécesseurs
Comme ses deux prédécesseurs, Hu Jintao et Jiang Zemin, Xi Jinping
cumule les titres. Par ordre d'obtention: secrétaire général du PCC,
président de la Commission militaire
centrale du PCC, président de la République populaire de Chine et
Président de la Commission militaire centrale. Soit chef du parti, de
l'État et des armées.
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Pour
autant, il a concentre plus de pouvoirs qu'eux. "Sous Hu Jintao,
s'exerçait un leadership collectif avec des équilibres de force, il y a
dorénavant moins de contrepoids et Xi prend plus de décision", indique Mathieu Duchâtel,
directeur adjoint du programme "Asie et Chine" au Conseil européen des
relations internationales (ECFR). "Il a essayé de contourner le
consensus bâti au sein du Comité politique permanent (regroupant les 7
plus haut dirigeants chinois) en créant des commissions dont il a pris
la tête et qui lui ont permis de concentrer plus de pouvoir que ses
prédécesseurs", précise Valérie Niquet, directrice du département Asie à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).
Un parti purgé par la lutte anticorruption
Cette
accumulation de pouvoir s'est accompagnée d'une reprise en main du PCC,
dont la survie l'obsède. "Il veut éviter un pourrissement de
l'intérieur comme l'a connu l'URSS", indique Mathieu Duchâtel, qui a
publié cette année aux PUF La Géopolitique de la Chine. Des plans anticorruptions avaient déjà été menés, mais celui lancé par Xi Jinping a pris une ampleur inédite.
Officiellement, 1,3 millions de cadres ont été victimes de cette guerre
à la corruption qui lui a opportunément permis de purger le parti
d'opposants, pour beaucoup issus des clans de ses prédécesseurs.
"Il
a récréé un sentiment de crainte qu'on n'avait plus vu depuis l'époque
maoïste et sa campagne a provoqué une certaine paralysie en province",
constate Valérie Niquet, auteur de La puissance chinoise en 100 questions,
chez Tallandier. "C'est son action la plus forte. Elle a surpris par
son ampleur, touchant une quarantaine de membres du Comité central [200 personnes qui élisent la vingtaine de membres du Bureau politique qui désignent ensuite le Comité permanent
], détaille Mathieu Duchâtel. Cela change le rapport de force entre le
parti et lui, mais cela change également les règles du jeu et montre que les agissements du passé sont inacceptables."
Reprise en main économique
Président
de la commission des affaires financières et économiques et d'un comité
aux réformes, Xi a récupéré des pouvoirs économiques auparavant confiés
au Premier ministre. Le sien, Li Keqiang, a dû rapidement remiser ses
réformes d'ouverture. L'implication du PCC dans l'économie s'est faite
plus sentir qu'auparavant, à travers notamment les cellules qu'il
possède dans toute entreprise installée en Chine, même étrangère. Les
dernières évolutions ne reflètent donc pas le discours de Davos de Xi en
faveur du libre-échange.
"Ces cinq dernières années, le ralentissement de l'économie s'est
accentué. Deuxième puissance mondiale, la Chine reste peu développée sur
le plan
de la richesse individuelle et la prise en charge sociale, notamment en
ce qui concerne la santé, est loin des standards occidentaux, précise
Valérie Niquet. Le pays a besoin d'une forte croissance, mais n'y arrive
plus sans plan de relance."
Sous Xi, la Chine a plus que jamais
orienté ses investissements sur la production à valeur ajoutée. "Elle
ne veut plus être seulement l'usine du monde. La recherche de leadership
sur des secteurs clés de l'innovation est une décision politique, fait
valoir Mathieu Duchâtel. Elle investit de plus en plus à l'étranger,
dans le portuaire, notamment avec Cosco . Les entreprises sont soutenues au plus haut niveau, notamment avec le projet de Route de la soie."
Une politique étrangère plus offensive
Lancée et portée par Xi Jinping, la "nouvelle" Route de la soie
oriente pour l'instant plus la diplomatie chinoise que son économie.
Ce développement vers l'ouest, aussi bien par la terre que par la mer,
"est vraiment son projet signature", rappelle Mathieu Duchâtel. Ce
dernier souligne le fait que la Chine "devient petit à petit plus
interventionniste, comme le montre son implication dans les questions
soudanaise et afghane et la construction d'un base à Djibouti".
Du
côté de sa façade maritime, la Chine a fait preuve d'une agressivité
qu'on ne lui avait plus connue depuis longtemps. "La montée des tensions
avec le Japon et en mer de Chine,
ce sont des décisions de Xi Jinping, souligne Mathieu Duchâtel. Il a
pris des risques et engrangé des gains, alors que son prédécesseur avait
été critiqué et jugé trop faible sur ces questions."
Un resserrement des libertés
Le "rêve chinois"
de Xi Jinping n'est pas celui des défenseurs des droits de l'homme.
L'ère Xi s'est accompagnée jusqu'à présent d'une mise au pas des voix
contestataires, comme l'a illustré le sort du prix Nobel de la paix 2010, Liu Xiabo,
décédé en juillet après une décennie de détention. "Avec une grande
indifférence par rapport aux pressions extérieures, les autorités n'ont
rien cédé, ni pour sa femme", mentionne Valérie Niquet.
"Les avocats qui défendent les droits de l'homme ont été très attaqués
ces dernières années. Tout défi à l'hégémonie du parti est tué dans
l'oeuf. Ce resserrement très fort est lié à la discipline léniniste à
laquelle croit Xi, considère Mathieu Duchâtel. Outil d'émancipation, les
nouvelles technologies, comme Internet, facilitent la répression des dissidents." Sous Xi Jinping, la "perestroïka" ne s'accompagne d'aucun "glasnost".
Par Clément Daniez,
publié le
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