La situation politique s’est fortement dégradée ces
derniers mois au Cambodge. Arrestation du leader de l’opposition, fermeture de
journaux et de radios, restrictions imposées aux organisations de protection
des droits de l’homme : le gouvernement du Premier ministre Hun Sen
durcit le ton après un piètre score aux élections communales de juin 2017.
Le climat dans la capitale cambodgienne est tendu.
De notre
correspondant à Bangkok, de retour de Phnom Penh,
En surface, la vie n’a pas vraiment changé mais, dès que
l’on s’immisce dans les questions politiques, les questions de droits de
l’homme ou, même, dans le domaine social, on se rend
compte que le pays subit depuis maintenant plusieurs mois une sérieuse dérive
autocratique.
Début septembre 2017, le
leader du principal parti d’opposition, Kem Sokha, a été arrêté pour un
discours qu’il avait prononcé en 2013. S’appuyant sur un montage vidéo de
ce discours, il a été accusé de collusion avec les Etats-Unis pour renverser le
gouvernement cambodgien. C’est, évidemment, tout à fait farfelu, mais les
Cambodgiens ont l’habitude de ce genre d’accusations.
Depuis, une vingtaine de députés d’opposition se sont enfuis du
Cambodge par peur d’être arrêtés. Du côté des médias, le Cambodia Daily, un
quotidien indépendant en anglais créé il y a 24 ans, a dû fermer ses
portes après s’être vu réclamer six millions d’euros d’arriérés d’impôts par le
gouvernement.
Par ailleurs, les organisations de la société civile sont
sous pression, notamment celles qui s’occupent des
droits de l’homme. Une loi exige qu’elles soient « politiquement neutres »,
ce qui ouvre la porte à toutes sortes de manœuvres délétères de la part du
gouvernement, notamment si ces organisations reçoivent des fonds de l’étranger.
Domination
totale du pays par le Parti du peuple cambodgien
En 1991, il y avait eu les
accords de paix de Paris qui avaient mis un terme à la guerre civile au
Cambodge. Le pays avait ensuite adopté une Constitution démocratique. D’une
certaine manière, Hun Sen et ses alliés avaient été
obligés à l’époque, à cause du contexte international, d’accepter la mise en
place sur le papier de ce système démocratique.
Mais depuis, petit à petit, la situation est presque
redevenue ce qu’elle était avant les accords de paix -c’est-à-dire une
domination totale du pays par le parti de Hun Sen, le Parti du peuple
cambodgien.
Alors, il y a tout de même des élections, mais c’est là
qu’est justement le problème : le Parti du peuple cambodgien au pouvoir a
l’impression qu’il risque de perdre les élections parlementaires de l’an
prochain, d’où la série de mesures de répression contre les médias, contre les
ONG, contre l’opposition, mais aussi les manœuvres d’intimidation. Avant les
élections communales, par exemple, Hun Sen n’a pas hésité à dire à ses
adversaires politiques de « préparer
leurs cercueils ».
Fin de l’allégeance aux puissances
occidentales
Il y a un
grand changement depuis une dizaine
d’années: c’est la présence économique massive de la Chine au Cambodge. Pékin
est devenu le partenaire privilégié de Phnom Penh, tant au niveau
économique que politique. Par exemple, le gouvernement cambodgien n’hésite pas à soutenir Pékin
contre les Etats membres de l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est,
l’ASEAN, en ce qui concerne le conflit territorial en mer de
Chine méridionale.
A Phnom Penh, on ne voit que des immeubles très
élevés construits par des firmes chinoises. Et, donc, la donne a changé par
rapport à la période entre les accords de paix et le début des
années 2000.
A l’époque, le Cambodge avait
besoin de l’argent des pays donateurs - l’Europe, les Etats-Unis, le
Japon - et des organisations onusiennes. Mais, maintenant, il a
l’impression de pouvoir s’en passer. Et, donc, de ne pas avoir à satisfaire les
demandes des pays occidentaux en matière de libertés fondamentales et de droits
de l’homme.
Par Arnaud Dubus
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