Une exposition d'armes lourdes à Seongnam, en Corée du Sud, le 16 octobre 2017 |
Séoul (AFP) - La menace balistique et nucléaire permanente
venant du belliqueux voisin nord-coréen exacerbe les tensions, mais représente
une aubaine pour une industrie de la défense sud-coréenne en plein envol.
Pendant des décennies, la Corée du Sud fut l'un des plus
gros importateurs mondiaux d'équipements et de technologies militaires, en
grande partie américains. Mais depuis peu, l'industrie nationale se développe à
grande vitesse.
Les exportations d'armes sud-coréennes, qui s'élevaient à
253 millions de dollars en 2006, atteignaient 2,5 milliards de dollars dix ans
plus tard, selon les données officielles. Les missiles, obusiers, sous-marins
et avions de guerre sud-coréens sont particulièrement appréciés en Asie du
Sud-Est, en Europe de l'Est et en Amérique du Sud.
Autrefois pays rural ravagé par la guerre, la Corée du Sud
a connu en quelques décennies une mue économique extraordinaire. Ses
entreprises sont sur le devant de la scène dans des secteurs comme les
smartphones ou les chantiers navals, et les marchands d'armes commencent à leur
emboîter le pas.
Le fait d'avoir comme voisine la Corée du Nord a mis les
capacités militaires sud-coréennes sous le feu des projecteurs, soulignent les
analystes.
"Son armée est très respectée à cause de sa situation
stratégique difficile. Le Sud fait face à l'une des menaces les plus dangereuses
du monde et son armée est bien entraînée pour l'affronter", déclare
Richard Aboulafia, analyste chez Teal Group, cabinet de consultants pour
l'aviation et la défense. "Ses choix en matière d'armements sont très
respectés."
Pour le moment, poursuit l'analyste, les systèmes
sud-coréens sont moins en pointe que les systèmes américains ou européens, mais
ils sont moins chers.
L'exposition internationale d'aérospatiale et de défense
de Séoul présentait cette semaine des équipements faits maison. Cette année, le
but est de vanter leurs mérites et non plus de servir de vitrine aux marchands
d'armes étrangers, soulignent les organisateurs.
- Clou du spectacle -
Les visiteurs s'émerveillent devant le char K2 ou
l'hélicoptère Surion. Mais le chasseur supersonique d'entraînement T-50 Golden
Eagle construit conjointement par Korea Aerospace Industries (KAI) et
l'américain Lockheed Martin est le clou du spectacle.
Cette dernière décennie, une soixantaine de T-50
--également disponible en version d'attaque légère-- ont été exportés en
Thaïlande, Indonésie, Irak ou encore aux Philippines, pour plus de 2,3
milliards de dollars. KAI est en pourparlers avec des acheteurs potentiels en
Afrique et en Amérique latine.
D'après le responsable du marketing international de cette
entreprise publique, Choi Sang-Yeol, les clients étaient jadis sceptiques quant
aux avions de guerre sud-coréens.
"Voici 10 ans, les gens refusaient de monter à bord
au motif qu'ils ne voulaient pas servir de cobayes." Depuis, les choses se
sont grandement améliorées.
KAI cherche à obtenir auprès de l'armée américaine un
contrat à 15 milliards de dollars pour que son chasseur T-50 remplace 350
avions d'entraînement américains vieillissants.
Le sud-coréen affronte la concurrence féroce de Boeing et
de son partenaire Saab. M. Choi explique qu'une victoire ouvrirait de nouveaux
marchés, l'imprimatur de Washington suffisant à "établir les niveaux de
technologie" sud-coréens.
Selon l'Institut coréen de l'industrie et des échanges
(KIET), un tel contrat porterait à 12 milliards de dollars les exportations de
défense sud-coréennes pour 2017.
KAI est également en train de développer avec l'Indonésie
un chasseur multirôles, le KF-X.
- Revers -
Le président sud-coréen Moon Jae-In est un grand fan du
T-50 Golden Eagle. "Notre industrie de défense doit franchir le pas entre
production locale d'armements avancés et industrie d?exportation", a-t-il
déclaré à l'ouverture du salon, posant dans un cockpit.
À cause de la menace nord-coréenne, le budget de la
défense est proportionnellement l'un des plus élevés du monde en dehors des
zones de conflit du Moyen-Orient et de l'Afrique, estimait en 2016 l'Institut
international de recherche pour la paix de Stockholm.
Sa part (12,5% du budget total) est plus élevée qu'aux
États-Unis (9,3%), même si en campagne électorale, le président Donald Trump
avait demandé à Séoul de payer plus pour se défendre.
En 2017, Séoul y a consacré 40.300 milliards de wons (35,6
milliards de dollars), selon le ministère de la Défense.
Les organisateurs prédisent que 800 millions de dollars de
contrats d'exportations seront passés pendant le salon, qui dure une semaine.
Mais les tensions sur la péninsule ont aussi un revers.
Les achats d'avions sont synonymes de décennies de service
après-vente et les acheteurs aiment savoir que leurs fournisseurs seront
toujours en vie.
"La stabilité est
primordiale", dit M. Choi. "On me pose des questions sur ce qu'il se
passera en cas de guerre et sur les engagements à long terme de
l'entreprise."
Hwang Sunghee
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